Reconstitution filmée de la pièce de théâtre : « Le procès de Bobigny »

  • Conférence
  • 17 octobre 2024
  • 18h-20h30

RS Amphi 31
Première reconnaissance de l’interruption volontaire de grossesse. Le 8 novembre 1972, s’achevait à Bobigny un célèbre procès mené tambour battant par l’avocate Gisèle Halimi. Il allait servir de prémices à la loi Veil de 1975 autorisant l’interruption volontaire de grossesse.

17
oct.

Présentation filmée de la pièce de théâtre :
« Le Procès de Bobigny »
Reconstitution et adaptation de Sophie & Basile Ader

Suivie d’un débat sur :
« Le procès de Bobigny, un tournant pour le droit des femmes »

En présence de :

Stéphanie Kretowicz, Présidente du Tribunal Judiciaire de Lille
Philippe Simoneau, Bâtonnier élu de l’Ordre des Avocats au Barreau de Lille
Carine Delaby-Faure, Avocate au Barreau de Lille
Mathilde François, Avocate au Barreau de Lille

Animation : Sylvie Humbert, Professeur HDR Université catholique de Lille, C3RD


Il est des procès qui font avancer le droit et la société. Celui de Bobigny en est un. 

La situation était pourtant, à l’époque banale, tragique : une jeune fille, Marie-Claire Chevalier, avait avorté suite à un viol. Sa mère, Michèle Chevalier, l’avait aidée dans sa démarche malgré la législation en vigueur qui réprimait pénalement l’interruption volontaire de grossesse.
Dénoncée par l’auteur même de ce viol, la jeune Marie-Claire est alors « inculpée » pour avoir fait pratiquer un avortement illégal selon l’article 317 du code pénal. Sa mère et deux de ses collègues sont inculpées pour complicité, une quatrième est inculpée pour avoir effectué l’acte illégal.
Michèle Chevalier découvre alors le récit d’une jeune avocate au barreau de Paris, Gisèle Halimi, qui raconte dans son livre « Djamila Boupacha » l’histoire d’une femme torturée puis violée par des soldats français pendant la guerre d’Algérie. Contactée, Gisèle Halimi lui répond : « Je vous défendrai. Mais ça va être difficile. Il vous faudra du courage et de la détermination… »
L’avocate prendra le pari avec l’accord de ses clientes de transformer ce « fait divers » en véritable procès politique en faveur de la légalisation de l’avortement. Avec l’aide de son amie Simone de Beauvoir, elles écrivent à quatre mains le célèbre « Manifeste des 343 » du nombre des femmes signataires affirmant publiquement avoir déjà avorté malgré la loi du 31 juillet 1920 pénalisant cet acte.

L’affaire est scindée du fait de la minorité de Marie-Claire Chevalier : la jeune fille est envoyée seule devant le tribunal pour enfants de Bobigny le 11 octobre 1972 avant le procès des quatre majeures.
L’audience se tient à huis clos. A l’extérieur, les associations « Mouvement de Libération Féminine » et « Choisir » hurlent leur colère : « L’Angleterre pour les riches, la prison pour les pauvres ! ». La société était en effet coupée en deux sur ce sujet : lorsque les femmes issues de milieux aisés pouvaient se faire avorter dans des pays européens limitrophes, les femmes issues de milieux modestes devaient se résoudre à la clandestinité.
Après le huis clos du procès, le jugement est rendu en audience publique. Marie-Claire est relaxée, parce qu’elle est considérée comme ayant souffert de « contraintes d’ordre moral, social, familial, auxquelles elle n’avait pu résister ».

Pour les majeures, l’audience publique cette fois se déroule le 8 novembre 1972.
Le tribunal de Bobigny voit défiler bon nombre de personnalités qui prennent fait et cause pour la jeune femme, sa mère ainsi que les trois autres personnes poursuivies. Gisèle Halimi, au terme d’une plaidoirie « historique », demande au président du tribunal, Joseph Casanova, « du courage ».
Michèle Chevalier est condamnée à 500 francs d’amende avec sursis. Ses deux collègues, qui ont revendiqué le fait d’avoir aidé Michèle Chevalier, sont relaxées. La quatrième prévenue est condamnée à un an de prison avec sursis pour avoir pratiqué l’avortement.

Le président Casanova a-t-il imaginé, au moment de prononcer son verdict, la portée d’une telle décision ? Il n’en fit pourtant jamais état jusqu’à sa disparition en novembre 2006. Le ministère public lui-même, bien qu’ayant naturellement fait appel de ce jugement, n’audiencera jamais l’appel et laissera s’écouler le délai de prescription.
Dès lors, l’écho du procès de Bobigny de 1972 allait résonner jusque dans les arcanes de l’Assemblée Nationale où l’interruption volontaire de grossesse, après le long et âpre combat de Simone Veil, fut finalement dépénalisée le 17 janvier 1975.